Agnotologie : mode d'emploi. Girel, M. Critique, January, 2014. 1
Agnotologie : mode d'emploi [link]Paper  abstract   bibtex   
Il y a quelque chose d’indélicat à s’enquérir de l’ignorance supposée des autres ; à cette indélicatesse peuvent être associés plusieurs profils, tout aussi détestables les uns que les autres. Tout d’abord celui de l’érudit mal élevé qui fait chèrement payer à son entourage la peine qu’il s’est lui-même donnée pour ne pas être ignorant ; personnage redoutable aussi bien quand il feint d’affirmer un truisme (l’odieux « Comme vous le savez,... ») que lorsqu’il semble révéler un secret (l’inquiétant « Savez-vous que ? »). L’éducateur arrogant, deuxième type de profil possible, pense a priori toute forme de partage de savoir en termes de « déficit » de connaissance, déficit qu’il attribue aux autres – « les masses », « le peuple » ou « le public » – pour justifier une action énergique sur eux ou, mieux, pour gouverner sans eux. Quant au conspirationniste paranoïaque, troisième possibilité, il voit partout les traces d’un complot destiné à dissimuler à la plupart de ses contemporains, sauf à lui-même, les rouages secrets de ce monde. Les uns et les autres partent d’un constat raisonnable et sensé, dont ils ont simplement le tort d’amplifier les termes de façon excessive, jusqu’à en faire des « faussetés monstrueuses ». L’érudit mal élevé part du constat, qui intéresse aussi l’épistémologie sociale, de la diversité des points de vue sur le savoir et de la distribution inégale de la connaissance qui en résulte. L’éducateur arrogant, lui, prend acte (souvent avec raison) de ce que l’ignorance des « autres » est un obstacle au bon fonctionnement d’une démocratie éclairée, mais qu’il n’est cependant pas impossible d’agir sur elle…
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	title = {Agnotologie : mode d'emploi},
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	shorttitle = {Agnotologie},
	url = {https://www.cairn.info/revue-critique-2013-12-p-964.htm},
	abstract = {Il y a quelque chose d’indélicat à s’enquérir de l’ignorance supposée des autres ; à cette indélicatesse peuvent être associés plusieurs profils, tout aussi détestables les uns que les autres. Tout d’abord celui de l’érudit mal élevé qui fait chèrement payer à son entourage la peine qu’il s’est lui-même donnée pour ne pas être ignorant ; personnage redoutable aussi bien quand il feint d’affirmer un truisme (l’odieux « Comme vous le savez,... ») que lorsqu’il semble révéler un secret (l’inquiétant « Savez-vous que ? »). L’éducateur arrogant, deuxième type de profil possible, pense a priori toute forme de partage de savoir en termes de « déficit » de connaissance, déficit qu’il attribue aux autres – « les masses », « le peuple » ou « le public » – pour justifier une action énergique sur eux ou, mieux, pour gouverner sans eux. Quant au conspirationniste paranoïaque, troisième possibilité, il voit partout les traces d’un complot destiné à dissimuler à la plupart de ses contemporains, sauf à lui-même, les rouages secrets de ce monde. Les uns et les autres partent d’un constat raisonnable et sensé, dont ils ont simplement le tort d’amplifier les termes de façon excessive, jusqu’à en faire des « faussetés monstrueuses ». L’érudit mal élevé part du constat, qui intéresse aussi l’épistémologie sociale, de la diversité des points de vue sur le savoir et de la distribution inégale de la connaissance qui en résulte. L’éducateur arrogant, lui, prend acte (souvent avec raison) de ce que l’ignorance des « autres » est un obstacle au bon fonctionnement d’une démocratie éclairée, mais qu’il n’est cependant pas impossible d’agir sur elle…},
	language = {fr},
	number = {799},
	urldate = {2017-10-10},
	journal = {Critique},
	author = {Girel, Mathias},
	month = jan,
	year = {2014},
	note = {1},
	keywords = {Climate change denial, Firestein, Galison, Ignorance in history and philosophy of science and technology - general information, Oreskes, PRINTED (Fonds papier), Proctor, Secrecy, Tobacco Industry},
	pages = {964--977},
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